Dans une décision du 3 juillet 2018, le tribunal administratif de Montreuil condamne la commune de Villemomble (93) pour son refus illégal d’inscrire trois enfants scolarisés de sa commune aux services de restauration scolaire pour l’année 2017-2018.

 Un règlement de cantine illégal

Ce refus de la mairie s’appuyait sur le règlement relatif aux restaurants scolaires 2017/2018 de la commune de Villemomble qui conditionne l’inscription à la cantine des enfants scolarisés à la fourniture d’un ensemble de pièces justificatives. Sont ainsi exigées, un justificatif de domicile datant de moins de trois mois, ou pour les familles hébergées chez une tierce-personne, la fourniture d’une attestation sur l’honneur d’hébergement remplie conjointement par l’hébergeant et l’hébergé dans les locaux de la mairie, une photocopie recto-verso de la pièce d’identité de l’hébergeant, un justificatif de domicile de l’hébergeant datant de moins de trois mois ou encore l’attestation de la carte vitale.

La demande de ces pièces justificatives abusives, dépassant tout cadre légal, restreint et empêche en particulier l’accès à la restauration scolaire des enfants contraints de vivre en bidonvilles, squats, hôtels sociaux ou autres lieux de survie en France avec leurs familles, dans l’impossibilité de fait de fournir ce type de pièces. Surtout, ces pièces sont de nature à créer une discrimination pour ces enfants, fondée entres autres sur leur lieu de résidence.

Toute discrimination dans l’accès à la cantine est pourtant prohibée depuis l’adoption du nouvel article L.131-13 du code de l’éducation (modifiée par la loi Egalité et citoyenneté le 27 janvier 2017) qui dispose que « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ».

L’affirmation du droit de tous les enfants à la restauration scolaire sans discrimination

Par un courrier du 15 mars 2017, une mère de famille hébergée en hôtel social s’est vue refuser l’inscription de ses trois enfants à la cantine scolaire dans une école primaire de Villemomble au motif qu’elle n’avait pas produit de justificatif de domicile. Elle pouvait difficilement faire venir le gérant de l’hôtel au service enfance de la mairie et lui demander de fournir une pièce d’identité !

En novembre 2017, elle saisit le tribunal administratif par l’intermédiaire de son avocat, Me Lionel Crusoé.

Dans sa décision, le Tribunal a décidé d’interpréter les dispositions du nouvel article L.131-13 à la lumière des travaux parlementaires ayant précédé la Loi Egalité et citoyenneté qui « impliquent que les personnes publiques ayant choisi de créer un service de restauration scolaire pour les écoles primaires dont elles ont la charge sont tenus de garantir à chaque élève le droit d’y être inscrit. Elles doivent adapter et proportionner le service à cette fin et ne peuvent, au motif de l’absence de production de justificatif de domicile, refuser d’y inscrire un élève qui en fait la demande ».

La mairie de Villemomble, comme la plupart des autres mairies de France, ne peut donc conditionner l’accès à la cantine scolaire à des demandes abusives de justificatifs de domicile sans tomber dans l’illégalité. C’est en reconnaissant l’illégalité d’une telle condition que le tribunal a donné raison à la requérante en annulant les trois refus d’inscription à la cantine de ses enfants et en condamnant la mairie à lui verser la somme de 1100 euros au titre des dommages et intérêts.

La nécessaire abrogation de règlements de cantine discriminatoire

Si le tribunal reconnaît l’illégalité de l’article du règlement de cantine de Villemomble qui subordonne l’inscription à la restauration scolaire à la production de justificatif de domicile, il n’était toutefois pas amené à se prononcer de manière générale sur l’illégalité de l’ensemble du règlement mis en cause et sur son abrogation partielle éventuelle.

Pourtant, d’une manière tout autant discriminatoire, ce règlement de cantine indique également que les restaurants scolaires de la commune, s’ils sont ouverts aux enfants scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires sont ouverts « compte tenu de la capacité d’accueil limitée pour certaines écoles, prioritairement aux enfants dont les parents travaillent, sont en stage ou en formation » et précise que les parents sans activité professionnelle « peuvent solliciter une inscription pour une fréquentation à durée limitée ou occasionnelle, à l’exception du mercredi ». Cette discrimination, cette fois fondée sur la situation professionnelle des parents, contrevient de la même manière  à l’article L131-13 du code de l’éducation.

Dans une ordonnance rendue le 12 septembre 2018, le tribunal administratif de Montreuil à une nouvelle fois condamné la mairie de Villemomble pour cette deuxième disposition illégale du règlement  en reconnaissait que limiter l’accès à la cantine des enfants dont les parents sont sans activité professionnelle est illégal. Cette limitation méconnait « le principe d’égalité des usagers du service public dans l’accueil des enfants » .

La commune de Villemomble ne peut désormais plus légalement refuser l’accès à la cantine à des enfants dont un des parents ne travaille pas.

Le CNDH Romeurope continue de se mobiliser pour un accès sans discrimination au droit à la restauration scolaire, qui, s’il constitue un service public facultatif est aussi considéré comme un temps périscolaire participant au respect du droit à l’éducation.