Le 3 Février 2019

Monsieur Maffre Sous-Préfet d’Antony

Objet : demande de surseoir à l’expulsion du bidonville de Châtenay-Malabry

Références :

  • Stratégie régionale pour les campements illicites en Ile-de-France de juin 2016,
  • Instruction du Gouvernement visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles de janvier 2018,
  • Ordonnance du juge des référés du TA de Cergy Pontoise en date du 30 octobre 2018
  • lettre du Collectif Romeurope Antony du 8 novembre 2018 Monsieur le Préfet,

Nous vous demandons de surseoir à accorder le concours de la force publique pour une évacuation du terrain de l’avenue Jean-Baptiste Clément à Châtenay-Malabry.

Plus de deux cents Roumains, parents, grands-parents et enfants (dont 2 nouveaux nés, une dizaine d’enfants de 1 an et demi à 3 ans, une vingtaine d’enfants de 4 à 14 ans, quelques jeunes de 15-16 ans) vivent depuis octobre 2018 dans un bidonville rue Jean-Baptiste  Clément à Châtenay-Malabry entre l’A86 et la Faculté de pharmacie dans des conditions précaires. Le terrain appartient à la faculté de Pharmacie (Paris 11) qui a porté plainte pour occupation illicite de terrains (décision du TA d’expulsion datée 30/10/2018).

Notre association Collectif Romeurope Antony, membre du Collectif National Droits de l’Homme Romeurope qui accompagne ces personnes dans  les démarches d’accès aux  droits a déjà attiré votre attention dans un courrier daté du 8 novembre sur leurs conditions de vie. Ce courrier rappelait les actions de sécurisation des conditions de vie dans ce campement    qui auraient dû être mises en œuvre comme cela est spécifié  dans  la Stratégie Régionale  citée en première référence ; or rien n’a été fait en ce sens en dépit des directives  préfectorales et malgré nos demandes auprès de la ville de Châtenay-Malabry (accès à l‘eau, électricité, prévention incendie etc..) et du territoire Vallée Sud Grand Paris (évacuation des déchets).

A ce jour plusieurs actions d’accompagnement sont en cours en vue d’une insertion de ces habitants :

  • 2 enfants sont scolarisés en élémentaire à Fresnes (où ils étaient déjà inscrits avant de résider à Chatenay), 2 au collège Anne Frank d’Antony en classe UPE2A
  • Nous poursuivons la demande de scolarisation en école élémentaire de plusieurs autres enfants, demande jusqu’ici refusée par la Mairie au mépris du code de l’éducation concernant la scolarisation obligatoire des enfants de 6 à 16 ans. L’Inspecteur de l’Education Nationale de la circonscription a fait enfin parvenir son accord pour une admission provisoire d’une élève le 29 janvier 2019 (jour du début  de l’enquête en vue du diagnostic social pré-expulsion par ACINA)
  • Plusieurs demandes de domiciliation ont été déposées au CCAS de la ville et sont en cours de traitement
  • Au-delà interviennent sur le terrain en vue de faciliter l‘insertion des habitants dans notre collectivité : la PMI de Châtenay, EFIV92 (Mme Jourdan avec 2 ateliers par semaine de préscolarisation depuis début 2019), l’ASAV, Les Enfants du canal (1 à 2 demi-journées d’animation par semaine depuis fin janvier),

Toutes ces actions s’inscrivent clairement dans le cadre de l’Instruction du Gouvernement visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles de janvier 2018 et citée en référence.

Nous savons que le diagnostic social entamé le 29 janvier 2019 que vous avez demandé à l’association ACINA de faire auprès des habitants du bidonville est toujours le prélude à l’expulsion dans les semaines suivantes.

Une expulsion ne ferait qu’accroître les difficultés déjà considérables de ces familles qui, doit-on le rappeler, ne choisissent pas de vivre dans une si grande précarité. Il serait extrêmement dommageable que les démarches d’intégration qu’elles ont d’ores et déjà entreprises soient réduites à néant (certains ont et ont eu des contrats de travail), que la scolarisation des enfants soit brutalement interrompue.

D’autre part, les arguments employés par le juge des référés en octobre2018, au début de l’installation, ne sont pas validés par l’expérience. Il n’y a pas de danger particulier car il n’y a aucune habitation dans un rayon  de plusieurs centaines  de mètres, le terrain de la faculté  de Pharmacie est grillagé, l’eau est prise à la borne à incendie qui jouxte le terrain ; il n’y a pas de projet immédiat sur ce terrain qui appartient à l’université Paris-11 (projet immobilier après le déménagement de la fac de pharmacie en 2022).

Les seuls dangers encourus le sont par les habitants du bidonville dès lors que les collectivités territoriales ne remplissent pas leurs obligations.

Nous sommes conscients que les conditions de vie actuelles des habitants du bidonville sont très difficiles et ne peuvent être pérennisées. Mais la stabilité est nécessaire à une intégration réussie dès lors qu’il y a une volonté commune d’insertion de part et d’autre : Roms, collectivités et Etat.

C’est pourquoi nous vous demandons, Monsieur le sous-Préfet, de surseoir à accorder le concours de la force publique pour une évacuation du terrain.

Nous nous engageons de notre côté à continuer à accompagner les habitants dans le court terme dans l’accès aux droits et dans le moyen terme dans la mise en œuvre d’une solution pérenne d’insertion à travers l’accès au logement et au travail en appui de l’association Acina mandatée à cet effet.

En espérant une réponse favorable, recevez, Monsieur le Préfet, l’assurance de nos salutations respectueuses,

Pour le Collectif Romeurope Antony, François Rivet